Le Ciel de nos Rêves, partenariat avec la Bibliothèque de La Bazoche-Gouet, La Maison de Retraite Aquarelle et les enfants adhérents de la Bibliothèque :
Personnes âgées et enfants de La Bazoche-Gouet se sont retrouvés pour partager un moment poétique autour du ciel et des étoiles. Ce fut un instant entre partage de conte et création poétique du Ciel de leurs Rêves.
Les Racines de La Récré, Café associatif à la Chapelle Royale (28)
Dans le cadre de l’anniversaire de la Récré, Noémie a choisi d’aller écouter les voix de la Mémoire, qui circule dans ses murs.
Dans ce lieu, autrefois Ecoles des Filles, des êtres y ont grandis, des histoires y sont nées.
Elle est allée récolter quelques graines de mémoire auprès de femmes y ayant partagé un brin de leur vie.
C’est sous la forme d’une restitution poétique qu’elle a décidé de faire entendre ces voix et leurs souvenirs, lors de la clôture de l’anniversaire.
Ce moment a été officialisé par la plantation d’un cerisier, dans le jardin de la Récré. Ce cerisier est à la fois le symbole des souvenirs passés, mais aussi tronc qui s’enracine dans la terre, et qui protégera sous ses feuilles les nouvelles histoires qui se tissent dès aujourd’hui dans ce lieu, riche en partages et en rencontres.
En septembre 2019, sous la conduite de Marie Jallot, artiste textile / surcycleuse, une fresque artistique en couture a été réalisée par des adhérents de La Récré. Cette fresque devrait revoir la lumière du soleil, cet été 2020, exposée dans le jardin. Les photos en sont les fruits.
Sous la tonnelle
Ce soir-là sous la tonnelle de la Récré
La rose rouge écoute
Ses pétales ouvertes, elle laisse entrer
La musique Maloya qui la fait tant rêver.
Ce soir-là parmi les cœurs qui dansent
La rose rouge écoute
La voix de la chanteuse qui perce l’espace invisible
Une voix charmeuse qui relie de son souffle le monde des vivants et celui des morts.
Ce soir-là, bercée par les rythmes enflammés
La rose rouge pense à tous ces secrets
Que celles qui sont passées par la Récré
Un soir sous la tonnelle lui ont confiés.
La Récré aujourd’hui lieu de fête
Hier Ecole des Filles pour les unes, home sweet home pour les autres
La mémoire est riche d’émotions, se dit la rose
Le passé est rempli de sensations.
A se dire le souvenir fait revivre la vie qui remonte à la surface
Le souvenir est fort, et bouscule parfois celui ou celle qui le délivre.
Ce soir-là sous la tonnelle
La rose rouge se laisse embarquer
Ses pétales ouvertes, elle laisse entrer
La musique des traces du passé.
Qu’est-ce qu’elle a donc fait
La p’tite hirondelle ?
Elle nous a volé
Trois p’tits sacs de blé.
Une femme parle.
Pour elle, la récré c’est…
C’est l’odeur des confitures qu’elle en a gardé.
C’est le souvenir de sa mère caressant son chat près de la cheminée
Après avoir ramassé les fruits des framboisiers
Les fruits des fraisiers, des cassissiers, des cognassiers
Qu’elle avait planté.
C’est le souvenir de son père, toujours une perceuse à la main
Quand on l’entendait râler, c’est que tout allait bien.
C’est aussi Mahina, son chien, Chocolatine son chat
Roger le coq, Léon et Léa.
C’est surtout toute sa famille réunie, trente personnes attablées
Petits et grands autour du couscous sur la terrasse les jours d’été.
Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime
Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime
Pour une autre, la Récré, c’est….
C’est dans la cour, le souvenir des répétitions passées
Pour préparer le spectacle de fin d’année.
C’est dans la classe, l’odeur de l’encre et le bruit de la craie.
C’est le jour où une grande a parlé, debout sur les marches rondes du perron, de la Fin du Monde.
Quand on entend parler de cela pour la première fois, à cet âge-là et cette époque-là,
Ça vous laisse songeur et vous emporte ailleurs.
C’est aussi lors de la fin d’année, les vieux baveux qui voulaient à tout prix vous embrasser, passage obligé.
Ultime épreuve avant de récupérer le livre gagné.
C’est aussi le souvenir de sa dictée
Par la maîtresse dans son dos agrafée
Avec l’obligation de la garder
Jusqu’à ce qu’elle soit chez elle arrivée.
Ce soir-là, elle n’a pas traîné.
N’est pas allée jouer à la rivière comme à l’accoutumée,
N’est ni restée des heures avec sa voisine sur le pont pour flâner.
Non, ce soir –là, il n’y aura pas de « Je te raccompagne / Tu me raccompagnes / Je te raccompagne / Tu me raccompagnes » à l ‘infini.
Non. Avoir subi cette humiliation.
Non. Aujourd’hui, ce serait non.
Assise sous la tonnelle, elle se demande encore pourquoi cette punition dans son dos agrafée, ne l’a-t-elle pas arrachée ?
Il pleut il pleut bergère
Rentre tes blancs moutons
Allons sous la chaumière
Vite bergère allons
Elle, elle faisait un kilomètre à pied pour venir à l’école
La durée du voyage était variable, en fonction de l’humeur.
Se laissant cueillir sur la route par les petits bonheurs.
Quand on s’arrête dans la haie ou sur le bord du fossé, pour faire de la couture,
Forcément le temps, ça dure !
Une robe de bergère à préparer, des moutons en crépon à créer
Pour la cérémonie de fin d’année.
Voilà de quoi bien s’occuper.
De son enfance, revient le coq à trois pieds
Que l’institutrice dont le mari était volailler
Leur avait apporté.
Etude de cas pratique en cours de Leçon de Choses.
Le cœur de bœuf l’a lui aussi marqué,
La maîtresse avait réussi à l’ouvrir sans le gâcher
En se disant sans doute qu’un bon repas plus tard il ferait.
Il se pourrait bien qu’elle ait fait partie de celles qui se plaignaient d’un mal de ventre pour pouvoir au fond de la classe aller roupiller,
Ou bien de celles qui auront siégé sous le bureau de la maîtresse,
Petite prison en guise de punition.
A la cantine, l’heure était parfois aux retrouvailles
Filles et Garçons y étaient rassemblés, chacun de son côté.
Rusés étaient celle et celui qui allaient discrètement au même moment
Se laver les mains, pour échanger avec l’autre quelques mots ou sourires
Complices secrets d’un acte de liberté.
J’ai descendu dans mon jardin
J’ai descendu dans mon jardin
Gentil coquelicot mesdames
Gentil coquelicot nouveau
Elle, elle souvient d’aller chercher
Les doryphores sur les feuilles des pommes de terre
Dans le potager, derrière la cour de la récré.
Ces petites bêtes jaunes à rayures noires,
Dans une boîte à petits pois, assise sur les marches du perron, dans sa blouse au motif écossais.
Elle les comptait pour gagner quelques pièces de monnaie.
Elle à la Récré, du matin au soir elle y restait.
Fille de la directrice, déjà à sept ans elle suivait
Avec les grandes, l’étude du soir qu’il fasse jour ou déjà noir.
C’était à l’époque où l’on apprenait à nager assise sur un tabouret.
A la fin de la journée, elle rentrait chez sa grand-mère, c’est là où elle dormait.
A quelques maisons de là, dans une rue un peu plus loin.
Parfois sa mère la punissant pour quelque méfait réel ou rêvé
Lui ordonnait d’aller se coucher sans manger.
Sa grand-mère en avait le cœur serré.
Du haut du muret dans le fond du potager de la Récré
Sa mère d’où elle pouvait voir ce qui se passait, les surveillait.
Gare à elles, si elle voyait de la lumière
Dans la cuisine de la grand-mère.
A toute vitesse elle rappliquait.
Fillette, c’est elle qui a collé un poisson d’avril dans le dos de sa mère
Un jour pour faire rire ses copines.
De toutes les façons, elle ne risquait rien
Elle savait bien
Que si parmi
Les petits farceurs de la partie
Il y en avait une qui serait punie
Innocente ou fautive
La sanction lui reviendrait,
L’heureuse élue, elle serait.
Quand on est enfant, on sait ces choses-là.
Aujourd’hui, elle dit de sa mère qu’elle était sévère mais juste.
Après son certificat d’études, elle n’est pas allée en sixième
Tu iras avec ton père lui a dit sa mère.
Et la voici sur les routes de Paris
Avec dans sa tête les cartes de géographie
Adieu l’école est finie
Pour elle sept ans, ce fut bien suffisant !
Avec le temps…
Avec le temps, va, tout s’en va
Pour elle la Récré,
C’est chercher dans les recoins de sa mémoire
Le temps d’un instant les souvenirs d’une toute petite année de maternelle.
C’est retrouver ses cahiers d’enfance où la morale des matins
S’y est incrustée pour l’éternité.
Mardi 22 septembre Morale : « Soyons des enfants polis . »
Mercredi 23 septembre : morale : « Ne dérangeons pas les autres. »
« Appliquons nous. »
Rangeons nos affaires.
Le menteur a peur de dire la vérité, je serai franche.
Je dirai la vérité pour ne pas laisser punir un camarade à ma place.
J’écouterai Maman et je travaillerai bien en classe pour la remercier de son travail.
Maman me montre son amour quand je suis en danger. Je m’efforcerai de ne pas lui faire de peine.
Code de la route : j’obéirai aux ordres des agents : si leurs bras étendus me barrent le passage, je ne passerai pas.
Je ne ferai pas de peine à mon papa qui m’aime.
J’obéirai à mes parents et je ferai sans attendre ce qu’ils me commandent.
Grand-mère m’aime et me gâte, je l’aimerai de tout mon cœur.
Combien de morales copiées et apprises par cœur.
Combien de morales copiées et aujourd’hui envolées.
Gavroche, enfant misérable, n’hésite pas à secourir deux enfants abandonnés encore plus malheureux que lui. Il fait preuve de bonté.
Quand je serai grande comme la jeune institutrice dont parle Duhamel je donnerai du sang pour les cliniques et les hôpitaux.
Dans un cahier d’école, les mots parfois sont douloureux :
Passage très mal écrit / mal / médiocre / vu / mal / vu / vu / Ab / 8 fautes / faux / médiocre / mal / vu / médiocre...
Sous la tonnelle, la mémoire lui revient, ce sera sur la musique des Pinkfloyd et en pattes d’éléphants qu’elle recevra son dernier prix.
Money, get away
Get a good job with good pay and you’re okay
Sous la tonnelle, la rose rouge regarde le Grand Chêne,
Celui qui est près d’elle, derrière
Celui qui semble être là depuis si longtemps.
Elle se dit qu’il est un grand oublié de l’Histoire
Aucune d’entre ces femmes qu’elle a écouté
Ne lui en n’aura parlé.
Ce n’est pas comme ces marronniers
Qui aujourd’hui, pourtant on finit d’exister.
Il est bien là, ce grand chêne avec son tronc si puissant.
Sur son écorce, pousse de jeunes pousses.
C’est peut-être lui qui a appelé de son souffle,
De ses vœux un renouveau pour la Récré
Pour que ce lieu continue d’exister
Au sein de la communauté.
Elle est à toi, cette chanson,
Toi, l’Auvergnat qui, sans façon,
M’a donné quatre bouts de bois
Quand, dans ma vie, il faisait froid,
Pour la femme qui aujourd’hui est la locomotive
Active de ce lieu qui nous réunit
La Récré, c’est…
C’est la possibilité de rêver
A un lieu partagé
Un lien où des liens de fraternité
Pourront à nouveau se créer.
Elle y croit, c’est pour cela que depuis trois ans, elle a posé ses valises-là.
Un désir, une rencontre, et la vie qui change.
Ah que la vie est belle
soudain elle éblouit
comme un battement d’ailes
d’oiseau de paradis
La rose rouge est touchée par ses derniers propos récoltés.
Elle se dit que toutes celles
Qui sont passées sous sa tonnelle
Ont bien des choses à partager.
Qu’elle-même si rouge et aujourd’hui si belle de vie
Finira sa vie de rose dans peu de temps.
Elle se dit qu’il serait peut-être bien
Qu’il y ait d’autres témoins
De la vie de ces humains.
La rose rouge a appelé
A son tour de son souffle fragile mais si parfumée
Un petit cerisier,
Qui donnera des cerises rouges comme elle, se dit-elle
Et pourra tenir compagnie au petit Chêne
Qui pousse sur le tronc du Grand
Copains comme deux enfants
Ils feront ensemble partie du Grand Tout
Puisant leurs forces dans la terre
Pour la beauté de l’éphémère
Qui laisse des traces dans les cœurs
Et rempli la vie de sens et de profonds bonheurs.
Le petit cerisier est là, il ne demande qu’à être planté.
Je remercie Mesdames…
Annette Le Bars
Christel Douhine
Isabelle Coeuret
Jocelyne Ferré
Gisèle Seigneuret
Véronique Vaude
D’avoir bien voulu témoigner.
Noémie SANSON
Conteuse et autrice, le 9 juin 2019